Nutri-Score : retour sur 8 ans de débats et de rebondissements
Changement d’algorithme ? Nutri-Score obligatoire en Europe ? En France ? Vous êtes perdus ? Cet article présente un résumé des points clés associés au Nutri-Score.
En France
Pour commencer, rappelons que le Nutri-Score a officiellement été adopté en 2017 avec l’arrêté du 31 octobre 2017, qui définissait la présentation complémentaire à la déclaration nutritionnelle recommandée par l’État. À ses débuts, le logo, facultatif, n’a pas rencontré un fort enthousiasme de la part des industriels : seulement six entreprises agroalimentaires s’étaient engagées à l’apposer sur leurs produits à la publication de l’arrêté.
Certaines entreprises ont d’ailleurs accueilli le Nutri-Score avec méfiance. Juste avant son adoption, elles avaient mis au point leur propre système d’étiquetage nutritionnel en face avant, l’ « Evolved Nutrition Label », basé sur les portions consommées. Ce dispositif, soutenu par six multinationales (Coca-Cola, Pepsi, Nestlé, Mars, Unilever et Mondelez), a finalement été abandonné fin 2018, notamment sous la pression d’associations de consommateurs.
À la suite de la France, plusieurs pays (la Belgique, la Suisse, l’Allemagne, l’Espagne, les Pays-Bas et le Luxembourg) ont choisi d’adopter le Nutri-Score. Une coopération transnationale s’est alors organisée, réunissant un comité de pilotage, chargé de la coordination et du déploiement du Nutri-Score, et un comité scientifique, responsable d’évaluer les évolutions possibles du système pour améliorer son impact sur la santé des consommateurs, en lien avec les recommandations nutritionnelles actuelles. C’est dans ce cadre qu’un premier rapport sur la mise à jour de l’algorithme « cas général » a été publié en juillet 2022, suivi en avril 2023 d’un rapport spécifique aux boissons.
Cependant, cette révision de l’algorithme n’a pas été accueillie positivement par toutes les entreprises. Le calcul devenant plus strict, de nombreux produits ont vu leur note baisser. Bjorg a annoncé son retrait du Nutri-Score au profit du Planet-Score, et Danone a communiqué qu’il cesserait d’utiliser le logo pour ses marques Actimel, Danonino, Hipro, Danone et Activia. En cause : les yaourts à boire et boissons végétales, désormais classés dans la catégorie « boissons », un algorithme plus sévère, où seule l’eau peut obtenir un A. Des produits auparavant notés A ou B se retrouvent ainsi en C ou D, une note nettement moins valorisante pour l'image de ces produits.
Le projet d’arrêté entérinant ces changements avait été notifié à la Commission européenne fin octobre 2023. Il aurait dû être publié entre janvier et avril 2024, après une période de statu quo de trois mois, sauf si un avis circonstancié était déposé. Le 23 janvier 2024, l’association des produits laitiers italiens, Assolatte a finalement déposé un avis circonstancié, repoussant le délai de trois mois supplémentaires, jusqu’au 24 avril 2024. Pendant cette période, la France ne pouvait pas appliquer les nouveaux algorithmes de calcul puisque le texte ne pouvait entrer en vigueur.
Par ailleurs, l’arrêté, initialement prévu pour début juin, a ensuite été suspendu dans le contexte politique particulier lié à la dissolution de l’Assemblée nationale et aux élections législatives de juin/juillet 2024.
Face à cette attente, chercheurs et associations de consommateurs ont lancé des appels et pétitions pour rendre le Nutri-Score obligatoire en France. Finalement, l’arrêté a été publié au Journal officiel le 15 mars 2025, après de nombreux mois d’attente, en raison notamment du refus de signature par la ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, Annie Genevard.
Au niveau européen
En parallèle, dans le cadre de la stratégie Farm To Fork, l’Union européenne devait choisir en 2022 un système d’étiquetage nutritionnel en face avant obligatoire et harmonisé. Le Nutri-Score semblait être le candidat le plus probable. Mais plusieurs États, en premier lieu l’Italie, s’y sont opposés, estimant qu’il pénaliserait leurs produits traditionnels. Malgré de nombreuses pétitions en faveur d’un Nutri-Score obligatoire dans l’UE, la Commission européenne a finalement renoncé à mettre en place un système commun, cédant aux pressions.
La France peut-elle rendre le Nutri-Score obligatoire sans l’Europe?
Le Nutri-Score pourrait devenir obligatoire en France en 2026. Pourquoi ? Dans le cadre du projet de budget de la Sécurité sociale 2026, les députés ont voté une mesure visant à rendre obligatoire l’affichage du Nutri-Score sur tous les produits préemballés, à l’exception de ceux bénéficiant d’un label de qualité (AOP, IGP…).
Cette ambition serait-elle conforme au droit européen ? Selon la ministre de la Santé, non. Mais pour Serge Hercberg, épidémiologiste et créateur du Nutri-Score, la France dispose d’un fondement juridique : l’article 36 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui autorise des dérogations au principe de libre circulation des marchandises pour des raisons de santé publique, à condition que la mesure soit proportionnée, nécessaire et non discriminatoire.
Le texte final du budget de la Sécurité sociale 2026 doit désormais être transmis fin novembre au Sénat, examiné, puis éventuellement validé et transformé en loi. Rien n’est donc encore fait.
Affaire à suivre…